un soir de lassitude de solitude décrépitude
j’ai voulu prendre quelque part un peu d’altitude
dans un troquet de la butte Montmartre j’ai mis les pieds
une danseuse extravagante sur la scène tournoyait
des replis de sa jupe s’élève et s’enchaîne en volutes opaques
une fumée hallucinogène
qui m’enveloppe qui m’absorbe qui me caresse avant de
m’enlever vers une tendre ivresse
ivresse
là un éléphant rose édenté embrasse une mamie peu farouche
en talons hauts qui paresse
c’est devant la vitrine obscure d’un commerce aux abois
que mes pieds me conduisent bien malgré moi
oh la surprise est de taille et je crois même voir au fond du sordide bazar
un marchand de désespoir qui désespère
qui me dit que le monde va trop bien que les gens sont heureux
les affaires tournent mal il y a bien trop d’amoureux
on me serre à boire et je trinque
et je lève mon verre au lapin vert pressé
qui m’écrase le pied et marche de travers
tiens
curieux et pris d’une transe exquise
je m’élance derrière lui discrètement en silence
par la porte de service le voilà qui se défile
je le suis et j’arrive face à a un caïman noir sénile
le malheureux me raconte en jouant du trombone
son amour déçu avec une belle et jeune lionne
le reste de la nuit je l’ai passée à rire et faire la fête
sur les genoux cagneux d’une geisha en retraite
entre un vieux gitan qui nous racontait la vie
et un marin assis sur une cuve d’eau de vie
jusqu’au bout de la nuit
et c’était bon
en ouvrant l’oeil j’ai atterri au matin morose
où tous les rêves de la nuit uns à un se nécrosent
j’avais rêvé vous le saviez
pas la peine qu’on s’alarme
aux pieds de la réalité
il faut déposer les armes
Mais ce matin en me levant
j’ai découvert chez moi
un lapin vert dans mon salon
avec une GUEULE DE BOIS
une geisha dans ma cuisine
qui me préparait un café
un caïman noir dans mes toilettes
occupé à se recoiffer